Karim Tabbou : “Pour le FFS, la priorité est la reconstruction du lien entre les Algériens”
Allocution du 1er secrétaire lors du Meeting du FFS, tenu à la salle « Atlas » le 04 mars 2011.
Bonjour,
Hier, les peuples du Maghreb se sont libérés du joug colonial, chacun de nos pays a suivi sa propre voie pour accéder à l’indépendance.
Tout au long de leurs luttes la solidarité maghrébine n’a jamais était démentie.
Un demi- siècle plus tard les peuples maghrébins n’ont pas encore pu concrétiser toutes leurs aspirations de dignité, de liberté, de justice et de bien-être.
Aujourd’hui, c’est l’ensemble des pays de la rive sud de la méditerranée qui se mettent en mouvement pour changer leur présent et pour assurer leur avenir.
Aujourd’hui, ces peuples veulent changer leurs vies et leurs conditions de vie.
Les évènements qui se déroulent en Tunisie, en Libye, en Egypte, au Bahrein, au Yemen et ailleurs montrent que les peuples veulent et peuvent lutter et vaincre.
Il est difficile aujourd’hui de définir les contours et la portée de ces changements.
Est-ce que l’ordre mondial est en train de changer sous la pression des peuples ou bien ces peuples sont-ils inscrits dans une démarche programmée ?
Les choses bougent autour de nous, malgré les apparences, les choses bougent même chez nous. Si, en haut dans le pouvoir les choses paraissent encore figées, en bas, dans la société, les sentiments s’entremêlent.
Entre bonnes volontés et incertitudes.
On balance entre l’idée que nous allons bouger simplement parce que le monde bouge et l’impression que le changement ne nécessite pas forcément notre implication à tous : Chacune et chacun.
Il ya ceux qui croient qu’il suffit d’une chiquenaude pour faire tomber les murs de la citadelle. Et cueillir le pouvoir, ses milliards, ses milices, son armée et ses services de sécurité.
Ce qui serait bien commode pour certains qui n’ont jamais caché leur mépris de cette société. Et qui croient qu’il suffirait de changer les hommes pour changer de régime.
D’autres encore sont convaincus qu’à elles seules, les nouvelles technologies tracent la voie royale vers le changement.
Comme si les chaines satellitaires, Facebook et Tweeter pouvaient dispenser les algériens de réapprendre d’abord à se parler.
D’abord parler à son voisin, à son collègue avec ceux avec qui l’on partage un espace ou une activité.
Nous n’avons peut-être jamais au long de notre histoire connu une telle dislocation du lien de proximité. Du lien social en général.
Dans une telle situation, certains sont tentés de considérer que le seul lien social possible est celui qui se crée derrière un écran.
Cela peut se comprendre venant de ceux qui n’ont peut être pas envie de voir la société s’organiser.
Cela peut se comprendre de la part de ceux qui, irrévocablement, n’aiment voir cette société qu’à distance respectueuse.
Et de préférence sans organisations ni revendications qui lui soient propres.
Et puis il ya ceux qui pensent qu’il est impossible aux algériens, à moins d’un miracle, de se remettre des traumatismes et des épreuves et même des déceptions vécus sur des décennies.
Enfin, il ya ceux qui pensent que rien ne doit bouger, ni changer.
Pour nous, nous considérons comme prioritaire la reconstruction du lien entre les algériens.
Ce qui a été détruit pendant les deux dernières décennies en Algérie c’est le lien entre les algériens dans la vraie vie de tous les jours, et c’est celui-là qu’il faut impérativement reconstruire en priorité. Même les liens virtuels qui existent dans d’autres sociétés se tissent dans des sociétés elle mêmes vivantes, structurées et bien réelles où les gens vivent, se parlent et agissent ensemble.
Pourquoi sommes –nous là aujourd’hui ?
Pour toutes ces raisons, par ce que le monde bouge et qu’il serait dangereux pour nous, en tant qu’individus, en tant que société, en tant que peuple en tant que nation de rester étrangers ou impuissants face aux bouleversements en cours.
Le monde nouveau qui est en train de naitre peut se faire avec nous mais il peut aussi se faire sans nous et contre nous.
Nous devons peser de toutes nos forces, en tant que société, pour que le processus historique en cours soit une occasion pour le peuple algérien de renaitre à la liberté, à la démocratie et au progrès.
A la maison, dans les cafés, chez le coiffeur, les algériens sont branchés à longueur de journées et même de nuits sur les écrans des télévisions étrangères à observer le déroulement du changement dans le monde. C’est plus qu’un changement, c’est un processus de métamorphose.
Ce que nous voyons c’est d’un côté des sociétés qui se sont donné ou qui tentent de se donner les moyens de construire et de conduire le changement et de l’autre des pouvoirs qui s’effondrent sans laisser derrière eux ni Etat ni institutions capables de porter les transformations voulues par les peuples.
Plus grave encore, dans certains cas, ces régimes qui se suffisaient de maintenir l’ordre, quand ils s’effondrent ouvrent la voie au chaos et compromettent l’unité territoriale et nationale.
Chers amis
Il ne suffit pas de capter le changement, il faut le construire
A tout point de vue, nous vivons un moment historique et face à l’histoire la question de la responsabilité se pose à tous.
Bien entendu, la responsabilité du citoyen, de la société et des institutions ne sont pas du même ordre. Nul ne doit fuir ses responsabilités ni présumer de ses forces, ni même s’arroger le monopole de la représentation et des formes possibles d’actions, pour provoquer le changement.
Le point commun de toutes ces crises entre elles et avec la nôtre, c’est l’exclusion.
Exclusion politique, économique, sociale, culturelle etc.
Exclusion politique caractérisée par la fracture avec la société, la privatisation de l’Etat
Exclusion économique caractérisée par une corruption structurelle et une prédation sauvage.
Exclusion culturelle et sociale caractérisée par un climat de mise en conflits, y compris violents, des différentes composantes de la société quelles soient religieuses, sociales, culturelles, linguistiques, régionales.
Cette gestion par le conflit peut aller très loin : Un exemple :
L’ancien ministre de l’intérieur égyptien vient d’être mis en accusation dans l’attentat contre l’Eglise copte d’Alexandrie…
Toutes ces exclusions qui se conjuguent, s’additionnent ou se télescopent ont débouché sur une désagrégation totale ou partielle du tissu social.
Le vide politique ne sort pas du néant : Il est l’aboutissement logique de l’exclusion qu’on la légitime par une gestion populiste, autoritaire ou sécuritaire.
Comment construire le changement ?
D’abord sortir de l’exclusion et de l’émeute.
Pour que le pays sorte des impasses de l’exclusion avec son cortège de violence, d’incompétence, de prédation et de décomposition sociale et politique il faut :
La levée de tous les obstacles à la libre organisation et à la libre expression des algériens.
La levée du dispositif répressif des libertés publiques, politiques, associatives, syndicales non seulement au travers des dispositions légales et administratives mais aussi par un signal politique fort capable de restaurer la confiance perdue et sans lequel tout le reste ne serait que bavardage.
Depuis le temps que ce régime parle d’ouverture il n’a fait que fermer.
De fermeture en fermeture. D’abord les espaces. Ensuite les horizons. D’abord Pour les individus ensuite pour le pays tout entier. Ouvrez les oreilles : Le peuple n’écoute que celui qui l’écoute.
Notre message adressé aux décideurs : N’ayez pas peur du changement ! Cessez de vous laisser guider par la peur du changement.
Le changement est nécessaire et inéluctable. Tout ce qui s’élabore et croît sous l’empire de la peur s’effondre sous nos yeux. Dans l’histoire et dans le monde.
Le FFS ne demande rien pour lui.
A nos militants et à l’ensemble de nos concitoyens nous affirmons notre détermination à nourrir ce mouvement et à nous en nourrir.
L’insurrection que nous voulons c’est celle de l’intelligence, l’insurrection que nous voulons c’est celle des consciences, celles des volontés.
Le FFS sait que les forces du changement existent. Elles sont là où sont les algériens. C’est-à-dire partout. Elles ont besoin de liberté pour s’exprimer, se rencontrer et s’organiser.
C’est dans l’exercice citoyen effectif que s’opéreront les décantations.
C’est à cette condition que se construira l’armature éthique et politique sur laquelle reposera le changement.
Je vous remercie.